Un petit dernier dans mon élevage : le DT880Je pense avoir déjà dit une ou deux fois en confidence à une ou deux personnes que j’aime assez les casques et le confort d’écoute qu’ils procurent. Je suis donc, depuis plusieurs années, en quête du CP (le Casque Parfait). L’avantage, lorsque l’on cherche le CP, c’est qu’on est certain de ne jamais le trouver, et donc, d’avoir de l’occupation pendant un temps considérable!
Donc, ayant l’occasion à plusieurs reprises d’écouter des casques de chez Beyer (DT990, DT150 et DT250), et de lire ça et là que certains trouvaient le DT880 très bon, voire nettement meilleur que certains autres casques que je connais et que j’apprécie, en particulier les Sennheiser HD600 et HD650, ça m’a donné l’envie de m’en procurer un (et peut-être même d’entamer une période Beyer : après tout, Picasso a eu le droit d’entamer une période bleue, alors je ne vois aucune raison de me priver).
L’occasion faisant le larron, et notre ami Isalula s’étant découvert une passion telle pour ce modèle qu’il a non seulement décidé de quitter ses AKG K340, qu’il avait si tant aimé, mais également de changer sa version du DT880 (une version 2005) contre un modèle 600 Ohms acheté avec customisation sur le site de chez Beyer, j’ai donc sauté le pas.
Durant quelques nuits d’insomnie et une après-midi de week end, j’ai eu longuement l’occasion d’essayer ce casque – après avoir réuni quelques protagonistes pour faire une ou deux comparaisons :
Sur cette photo de famille, on reconnaît facilement, de gauche à droite :
Un AKG K240 DF – un AKG K1000 – un Ergo 2 – un AKG K240 Monitor – un AKG K240 – un Senn. HD650. Et bien sûr, au premier rang, le Beyer DT880. Il suffit d’examiner la lueur d’amour et de contentement des casques AKG, Ergo et Sennheiser en train de regarder le nouvel arrivée pour comprendre ce que veulent dire les plus grands spécialistes de casquologie du monde et reconnaître la vérité absolue dont il revient à l’éthologie casquolaire récente de l’avoir mise à jour. Contrairement à ce que l’on a toujours cru (sur la base d’affirmations d’Aristote, à la fois vagues et mal interprétées), le casque est un animal qui se plaît en la compagnie de l’homme et qui vit en groupes sociaux (autour d’un mâle dominant qui se réserve la plupart des zoreilles passant à sa portée, se regroupent les autres membres de la harde). Combien de fois n’avons-nous pas vu de casques qui, abandonnés au fond d’un tiroir par de cruels «zaudiophiles», se dessèchent peu à peu, ou qui, restés seuls trop longtemps et loin de la compagnie de leur congénères, tombent dans d’étranges maladies qu’ils communiquent aux oreilles passant à leur portée : ils finissent par se prendre pour lesmeilleurscasquesdumonde…… Il faut y insister : les casques sont nos amis, mais nous devons prendre quelques mesure d’hygiène simple de façon à éviter qu’ils nous communiquent leurs maladies, et parmi ces mesures : l’écoute, le soin et la comparaison régulières de modèles différents viennent au premier rang.
De plus, il faut prendre soin d’installer ses casques dans un milieu naturel leur permettant de survivre. Ainsi que je viens de le dire, le tiroir n’est pas conseillé. Mieux vaut relier le casque :
- à une source correcte à laquelle s’abreuver en musique fraîche : ici des fichiers Lossless lu par iTunes et exporté via une interface Yamaha go44 en PCM vers un convertisseur Cyrus AV8
- et une alimentation saine et équilibré : l’ensemble est relié à un amplificateur pour casques Jan Meier EarTubes.
Quelques essais préalables m’ayant indiqué que le DT880 chante mieux lorsque la fonction CrossFeed du EearTube est enclenchée, tous les essais ont été réalisés dans cette configuration avec le Beyer et dans les configurations propres de chaque casque.
Les casques sont également friands de petits morceaux : plus on les récompense en leur donnant des morceaux, mieux ils chantent :
J’ai d’abord une ou deux prises de sons artisanales personnelles (un groupe d’ami jouant piano et flûte traversière, ma propre guitare de jazz) qui me permettent (vu que j’étais présent ce jour là) de prendre quelques points de repères puis des morceaux que j’utilisent souvent :
- Savall - 2005 - Altre Follie, 1500-1750 : plage 1 Folias Criollas
- Savall - 1998 - La Folia, 1490-1701 : plage 1 Rodrigo Martinez
- Savall - 1998 - Joan Cabanilles - Batalles, Tientos & Passacalles : plage 1 Batalla Imperial (J.C. Kerll)
- Crumb - Volume 7: Black Angels : Plage 9, Black Angels - 1. Deperture - I. Threnody I: Night of the electric insects
- Crumb - Volume 7: Unto the hill : plage 2 Unto The Hills - 2. All the pretty little horses (an Appalachian lullaby)
- King Crimson - 1973 - Larks' Tongues In Aspic : plage 4 Easy Money
- Brel, Les Marquises : plage 10 Jojo et plage 12 Les Marquises
- Pink Floyd, Dark Side of the Moon : plage 6 Money
- Part - 1984 - Tabula Rasa (ECM) : plage 4 Tabula Rasa
- Chostakovich, Quatuor à cordes No. 11 (par le Quatuor Fitzwilliam) : plage 1 du CD5, Introduction
- Savall - 2003 - Vivaldi: La Viola Da Gamba In Concerto – plage 4 L'Estro Armonico, Op. 3 - Concerto #11 In D Minor, RV 565 - 1. Allegro - Adagio E Spiccatto
- Crumb - Volume 12: Vox Balaenae – plage 14 : Vox Balaenae (Voice Of The Whale) (1971) For Amplified Flute, Amplified Cello, And Amplified Piano: 2a. Sea Theme
DT880 vs AKG K1000 Honneur au mâle dominant de ma harde, donc : j’ai commencé par le K1000. Lequel, malheureusement, n’a laissé aucune chance au nouvel arrivant…
Ce vieux briscard a déjà mené grand nombre de combats et son expérience le rend à la fois assuré et un peu agressif, il faut bien le reconnaître.
Le K1000 (120 Ohms pour 74db de sensibilité) exige, pour sortir une pression de 100db : 398,1mW et/ou 6,91V – là où le DT880 (250 Ohms pour 96 db) ne demande que 2,51mW et/ou 0,79V.
Je précise au passage que la manière de calculer la consommation du casque m’a été fournie par des forumeurs sympa sur HCFR :
http://www.homecinema-fr.com/forum/viewtopic.php?p=172280571#p172280571
Ça permet de donner une idée – et de comprendre que plus la sensibilité d’un casque est basse, plus l’ampli devra être costaud – et que plus l’impédance du casque monte, plus l’ampli devra fournir des volts en sortie. Je dis ça parce qu’il y a parfois des doutes à ce propos. Le même DT880, par exemple, existe en version 32 Ohms, 250 Ohms et 600 Ohms : dans ces trois versions, il aura besoin des mêmes 2,51mW pour sortir 100db de pression, – mais sa consommation exprimée en volts sera respectivement de : 0,28V – 0,79V – et 1,22V (ce qui revient à dire passe de 1 à 4).
En revanche, à impédance identique (mettons 250 Ohms,) si le DT880 n’avait que 93db de rendement, il demanderait ~5mW pour 1,1V ; et s’il avait 99db de rendement, il ne demanderait que ~1,26mW pour 0,56V.
Pour dire les choses autrement : les écarts de sensibilité en db comptent plus que les différences d’impédance, même si celles-ci ont une certaine influence. Pour qu’un DT880 en 600 Ohms consomme la même quantité de volts qu’un 250 Ohms, il faudrait que sa sensibilité soit de 99,8db — et il n’aurait alors besoin que de ~1mW (soit 2,5 fois moins que l’autre) pour sortir les mêmes 100db en pression.
Cela étant dit pour expliquer pourquoi je suis obligé de mettre le potentiomètre de l’ampli casque à ~12h00 avec le K1000 pour obtenir le même volume (subjectivement entendu) qu’avec le volume à ~9h30 avec le DT880. Ce qui est peut-être plus parlant. Ça veut dire qu’un casque à plus faible sensibilité à besoin qu’on monte le volume !
De même, si je compare un AKG K501 et un K340, tous les deux présentent une sensibilité de 94db, mais le premier a une impédance de 120 Ohms contre 360 pour le second (du moins d’après la documentation du manuel : dans les info pour le produit, il est indiqué en revanche 400 Ohms – voir le site d’AKG sur ce point) : et il faut, là aussi, monter le volume, quoi qu’un peu moins que dans l’autre cas, pour obtenir un résultat comparable.
Rien qu’avec ces remarques, on devrait comprendre pourquoi la quasi totalité des comparaisons effectuées manquent un élément essentiel : le rôle de l’ampli casque – dont d’ailleurs, les spécifications réelles sont le plus souvent mal annoncées et pas forcément connues lors de l’écoute. Et là, je ne parle même pas de l’influence de la puissance de l’ampli sur le rendu en terme de bande passante (influence réelle)… Disons que je reste très étonné que les mêmes audiophiles, parfois portés à trouver normal dans le cas des enceintes de penser que le rapport entre l’ampli et l’enceinte doit être pris en compte, ne pas en faire autant quand il s’agit de casque et croire qu’on peut se contenter de ne considérer que le casque lui-même.
Dès les premiers instants de mes premières comparaisons, donc, le K1000 prend nettement le dessus.
Bien sûr en termes d’image stéréo : les musiciens de l’orchestre de Savall sont beaucoup mieux disposés, un peu plus écartés les uns des autres et presque (le presque est important) devant soi.
Rien à dire en revanche sur les timbres : la flûte et la guitare sonnent correctement, et donnent une impression assez réaliste pour que l’on oublie ce casque après quelques instants d’acclimatation.
Mais c’est surtout sur le critère de la transparence que la différence se fait sentir. Quand on passe du K1000 au DT880, la comparaison est cruelle et c’est comme si un voile se tendait devant les instruments comme la viole de gambe. A l’écoute des disques de Savall, on entend beaucoup moins bien les micro détails, l’acoustique et la respiration de la salle : ce qui ne veut pas dire qu’on les ne entend pas, mais qu’ils ne sont pas mis en avant de la même manière. En gros : il faut se concentrer un peu plus pour les entendre.
DT880 vs K240 DF et vs K240 Monitor Une fois cette première comparaison faite, il faut tout laisser reposer un certain temps. Car si l’on compare un casque qu’on a moins aimé qu’un autre en contraste direct, on est ensuite porté à se focaliser sur les «défauts» entendus, et du coup à ne pas en juger avec assez de distance. Inversement, si on ne fait pas de comparaison directes, on a tendance à oublier assez vite les défauts entendus et les différences qualitatives, et à homogénéiser le jugement pour ne plus retenir qu’un élément. De là certains classements bizarre entre les casques sans doute…
Les deux K240 sont des casques pas faciles à piloter – et dont les différences audibles sont instructives : car s’ils ont la même consommation (normal vu qu’ils ont les mêmes spécifications), le DF sonne un peu plus creusé dans le médium que le Monitor, et d’autre par, le Monitor est un peu plus doux dans le haut médium et donne un rendu des basses plus agréable et plus facile à suivre. Sur une prise casque standard, ces différences ont tendance à s’estomper – sauf sur un point : l’extension du registre grave et sa lisibilité restent un peu meilleures avec la version Monitor. La version Monitor est donc ma préférée et c’est celle que je vais comparer plus à fond avec le DT880.
Curieusement la comparaison du K240DF avec le DT880 pourrait tourner à l’avantage de l’AKG au moins sur un point : le DT880 continue à donner la même impression d’une sorte de voile ou de flou général. La respiration sifflante de Brel est un peu moins présente avec le Beyer qu’avec le K240DF. Celui-ci accentue peut-être un peu certain fréquence, ce qui donne peut-être l’impression d’une plus grande définition. Dans le morceau de Crumb intitulé Vox Balaenae, les alternances de vocalisation et de flûte sont à la fois très belles et aussi un bon test pour savoir si un caque est assez transparent ou non.
Là, avec le DT880, ça passe tout à fait correctement et sans accentuation : mais avec peut-être un petit manque de peps qui donnera une écoute sans aucune fatigue auditive sur la durée, mais peut-être un peu moins vivante. Sur ce chapitre, le K240 M me paraît un peu au dessus du DT880 : c’est plus vivant et ça sera moins ennuyeux à la longue (on a moins envie de monter le son pour qu’il se passe quelque chose).
Reste que le DT880 présente un point fort, celui de la restitution des timbres : sur mes enregistrements personnels, je trouve la restitution de la guitare jazz mieux réussie – et ce y compris avec le K240 M… Etant très sensible à cet aspect des choses, et le reste se jouant à des chouïa, je place donc le DT880 devant les K240 (ce qui ne me surprend pas des masses).
(à suivre)