Route 181 et
Persona Non Grata : deux approches cinématographiques totalement opposés de la colonisation israélienne en Palestine.
Je parlerai d'abord du premier :
Route 181, fragments d'un voyage en Palestine-Israel, de
Michel Khleifi et
Eyal Sivan, 5 heures de film en 3 DVD.
Michel Khleifi, est cinéaste, palestinien, auteur de nombreux films, dont certains primés, mais que je ne connais pas :
Noces en Galilée,
Le cantique des pierres,
Maaloul fête sa destruction,
Le conte des trois diamants,etc.
Eyal Sivan, cinéaste aussi, est israélien. Si je connais mal les films de Khleifi, j'en ait vu plusieurs films d'Eyal Sivan, tous des films documentaires, tous extraordinaires :
Un spécialiste, portrait d'un criminel moderne. Adolf Eichmann
“Itgaber, le triomphe sur soi” et
“Izkor, les esclaves de la mémoire” deux documentaires sur la société israélienne et l'une des plus grandes figures de sa vie intellectuelle et politique, le regretté
Yeshayahu LeibowitzKhleifi et
Sivan tracent sur une carte la frontière définie par la résolution 181 des Nations Unies, votée en novembre 1947, et recommandant le partage de la Palestine en un Etat juif, un Etat arabe et une zone sous régime international. Tout au long du film ils vont suivre cette "route" en traversant en voiture le territoire israélien depuis le sud et en remontant vers la frontière du Liban. C'est l'origine du titre de leur film
"Route 181"Au hasard des rencontres, des paysages ou de la recherche d'un lieu, un village détruit, un chef lieu d'autrefois, ils filment, interrogent les habitants et les passants et les suivent parfois, le temps d'un verre et d'un nouveau départ, encore plus loin. Le portrait saisissant de la société israélienne et de sa guerre coloniale est peu à peu dressé sans thèses magistrales, sans discours et sans prosélytisme aucun. Les visages, les images et les témoignages parlent d'eux mêmes et pour ceux qui connaissent un minimum la question, des liens se tissent sans cesse. Ce film sans prétentions aurait tout pour ennuyer, mais il nous prend quelque part au fond et ne nous lâche plus. Comme si sa simplicité même était la source de sa puissance.
Il vaut tous les écrits théoriques et articles de fond qu'on pourrait souhaiter écrire pour faire comprendre le martyre des palestiniens et des israéliens anticolonialistes. Laissant la parole prendre sa place ou provoquant parfois sa venue, il fait émerger avec une incroyable intensité les réalités enfouies sous le purin médiatique, le silence coupable et la propagande.
A l'opposé le
"Persona Non grata" d'
Oliver Stone, débarqué on ne sait pourquoi dans la région avec sa cour, peu de temps avant l'invasion de Ramallah par l'armée israélienne et le bombardement du siège de l'autorité palestinienne, est un débris pitoyable auquel je peinerait à trouver une valeur quelconque, soit cinématographique, soit sociologique, soit journalistique.
Filmé et monté avec des techniques prétentieuses et parfois hystériques ou sensationnalistes genre vidéo clip, avec une caméra épileptique qui s'efforce de produire un effet reportage plus vrai que nature, une espèce de live de pacotille qui cache à peine le vide du propos, c'est un film totalement creux et inepte, parfois carrément tendancieux, qui se contente d'entasser les bouts de trucs et de machins, racolés avec des lieux communs et assaisonnés d'entretiens d'officiels israéliens. Le monteur de son côté devait avoir de temps à autre des crises de parkinson vu les nombreux plans fixes cool, calme, relax, zen, exomil qui parsèment le film.
C'est un peu Keith Jarret maltraitant sur CD le
Clavier bien tempéré pour nous faire son incontournable "retour aux sources" ou Sharon Stone jouant son crocodile solidaire à la Croisette pour faire cracher à ses pairs quelques chèques de soutien pour les malades du SIDA. Moi, Oliver Stone, je me mouille dans le terrain... voyez-vous comme je suis un gars bien vous autres ? Nul à ch...